Description
Comment on fabrique l’opinion – La Franc-Maçonnerie et la Révolution française
de Maurice Talmeyr
« Le baron de Vitrolles, dont on connaît le rôle en 1814, et qui a laissé des Mémoires si passionnants, nous y cite un fait curieusement suggestif. En 1795, à l’un des moments les plus menaçants de la Révolution française, l’Archevêque de Mayence avait pour coadjuteur un certain baron de Dalberg, haut chanoine, grand dignitaire ecclésiastique, et qui était en même temps l’un des douze « pairs », ou « aréopagites », de la Franc-Maçonnerie illuministe. Et le baron de Vitrolles ajoute : « Le coadjuteur avait capté la faveur des Sociétés secrètes, et obtenu ainsi la popularité, qu’elles dispensaient à leur gré. » La première réflexion que vous inspire un pareil fait, c’est que ce franc-maçon, et ce franc-maçon illuministe, était, même à ce moment-là, un étrange coadjuteur. Mais on ne peut guère ensuite ne pas se poser aussi une question. Quelle toute-puissance particulière exercent donc les sectes maçonniques sur ce qu’on est convenu d’appeler l’ « opinion », pour « dispenser » ainsi « la popularité à leur gré » ? Enfin, une remarque s’impose encore. L’ « opinion », par sa nature, semble essentiellement spontanée. Comment nous apparaît-elle ici sous la forme d’un monopole, d’une spécialité relevant d’un spécialiste, d’une sorte de produit industriel pour lequel on s’adresse à une industrie ? Aurait-il donc existé, au moment de la Révolution, une entreprise pour une exploitation de cette espèce ? Notre époque n’est que le prolongement de l’époque révolutionnaire, et l’entreprise, en conséquence, devrait logiquement continuer. Continuerait-elle aujourd’hui ? Eh bien, oui, l’entreprise a existé, et elle continue. Plus on ira et plus on reconnaîtra, dans l’Histoire, la part d’action des Sociétés secrètes. Leur grand rénovateur, leur grand inspirateur, est Weishaupt. Il le fut il y a cent vingt ans, et le demeure même encore à présent, par les traditions et les institutions maçonniques qu’il a laissées. L’idée d’une presse systématiquement organisée en vue d’une imposture ou d’une diversion permanente, idée qui ne s’est guère réalisée complètement que de nos jours, est de lui. Le rôle de l’instituteur, comme désorganisateur politique et social, est une de ses conceptions, la Terreur en était une autre, et le soi-disant Apôtre du Genre Humain, le fameux Anacharsis Klotz, semble n’avoir été, dans la réalité, que son représentant à la Convention. Il n’existe peut-être pas une seule recette de subversion, ayant servi et servant encore au bouleversement du monde, qu’on ne découvre pas dans ses papiers secrets, saisis et dévoilés, en 1785, au procès de Munich, et vous y retrouvez, notamment, tout un traité complet, toute une méthode, tout un manuel, pour le détournement de l’esprit public, tout un formulaire pour fabriquer et falsifier volontairement l’opinion.